dakarbanlieues

C'est désormais officiel, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ne sont plus membres de la Cédéao.

Les trois pays de l'Alliance des États du Sahel avaient annoncé leur retrait le 28 janvier de l'année dernière, avec effet immédiat. Les statuts de la Cédéao prévoyaient un délai d'un an. À compter de ce mercredi 29 janvier, les deux parties considèrent donc que ce départ est effectif. Mais de nombreuses questions essentielles restent à régler. À partir d'aujourd'hui, la Cédéao et les pays de l'AES doivent initier et négocier les « formalités de retrait ».

 

Les pays de l'AES ne quittent pas l'Uemoa – qui échappe étrangement aux accusations de manipulation dont la CEDEAO fait l'objet. La liberté de circulation des personnes et des marchandises reste donc garantie dans cet espace qui rassemble huit pays, dont la Côte d'Ivoire, le Sénégal ou encore le Bénin, ce qui limite les enjeux des discussions à venir. Dès aujourd'hui, l'assurance automobile Cédéao « carte brune » n'est plus valable pour les ressortissants du Malidu Niger et du Burkina.

 

Passeport, visa, statut des entreprises

 

L'AES met ce mercredi en circulation son propre passeport. Les citoyens de l'AES pourront continuer d'utiliser leur passeport Cédéao au sein de l'AES jusqu'à la fin de sa validité. Il ne leur sera en revanche d'aucune utilité dans les désormais douze autres pays de l'organisation ouest-africaine. Le Mali, le Niger et le Burkina ont déjà annoncé que les ressortissants de la Cédéao pourraient entrer sans visa dans leur espace commun. La réciproque n'est pas vraie : ce point devra être négocié entre les deux blocs régionaux. 

Outre les visas, il s'agira aussi de définir les nouvelles règles qui s'imposeront aux citoyens de l'AES installés durablement dans les pays de la Cédéao, aux entreprises créées par des ressortissants de l'AES dans l'espace Cédéao, et inversement. Les « formalités de retrait » à négocier concernent également l'avenir des sièges des institutions de la Cédéao qui se trouvent dans l'espace AES, ou celui des ressortissants de l'AES actuellement fonctionnaires au sein de la Cédéao.

 

Programmes financés et mis en œuvre par la Cédéao

 

Le Centrafricain Jean-François Akandji-Kombé, professeur à la Sorbonne et spécialiste des droits communautaires africains, pointe également l'enjeu fondamental de tous les programmes financés et mis en œuvre par la Cédéao au Mali, au Niger et au Burkina. Pour le commerce agricole, notamment, mais pas seulement.

« Il y a des programmes d'infrastructures, d'adduction d'eau, de réhabilitation des tissus économiques locaux. Avant que ne soit créée l'AES, il y avait essentiellement deux canaux par lesquels il y avait des financements de la Cédéao : il y avait des projets typiquement Cédéao, mais il y avait aussi l'appui de la Cédéao à une organisation qui était l'Autorité du Liptako-Gourma, qui couvrait les trois pays. Donc, il s'agit de solder ces différents projets, qui vont des grands projets d'infrastructures jusqu'à des tout petits projets dans les villages, auprès des communautés », énumère le professeur de droit international.

Les négociations s'annoncent « complexes », prédit Jean-François Akandji-Kombé, qui estime cependant préférable que des solutions soient trouvées à l'échelle des deux blocs régionaux plutôt que dans le cadre de discussions bilatérales, de pays à pays. Les pays de l'AES ont eux-mêmes annoncés qu'ils comptaient négocier essentiellement de manière groupée, « en tant qu'acteur uni ». 

 

« Intérêt supérieur des populations »

 

Dans un communiqué diffusé ce mercredi matin, la Cédéao offre une nouvelle période de sursis aux pays de l'AES, le temps de mener à bien ces discussions.« Dans l'esprit de la solidarité régionale et dans l'intérêt supérieur des populations », indique l'organisation sous-régionale, les principaux avantages dont bénéficient les ressortissants des pays membres de la Cédéao continueront de s'appliquer aux citoyens du Mali, du Niger, et du Burkina. Les passeports et cartes d'identité nationaux portant le logo de la Cédéao restent valables, les droits de circulation, de résidence et d'établissement sans visa continuent de s'appliquer, les biens et services provenant des trois pays concernés continuent de bénéficier du traitement prévu par le Schéma de libéralisation des échanges (SLEC) et la Politique d'investissement de la Cédéao. Enfin, les fonctionnaires de la Cédéao originaires des trois pays de l'AES demeurent en poste.

Cette décision est destinée à éviter une rupture trop brutale. Aucune échéance de temps n'est fixée : le communiqué de la Cédéao indique simplement que ces dispositions s'appliquent « jusqu'à nouvel ordre », ou encore « jusqu'à l’adoption par la Conférence des chefs d'État et de gouvernement de la Cédéao, des modalités complètes » des relations futures de l'organisation sous-régionale avec les trois pays.

Si le retrait est désormais consommé, la Cédéao a par ailleurs laissé un sursis de six mois aux trois pays de l'AES pour revenir sur leur décision. Une proposition balayée par les intéressés.

Comments est propulsé par CComment